CABINET D’AVOCAT À LYON EN DROIT DES VICTIMES
ET RÉPARATION DU PRÉJUDICE CORPOREL

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La décision en référé du Conseil d’Etat 28 mars 2020 n°439726

 

La situation de crise sanitaire actuelle liée au COVID 19 a généré de nombreux recours devant le Conseil d’Etat.

La question très sensible de l’approvisionnement en masques, accès aux traitements et aux tests de dépistage est évoquée dans l’Ordonnance du Conseil d’Etat du 28 mars 2020.

A l’origine de la requête en référé liberté se trouvent : Le Syndicat des Médecins Aix et Région (SMAER) deux personnes physiques et la Fédération des Médecins de France.

Cette procédure visait à enjoindre à l’Etat de prendre toutes mesures utiles afin de fournir des masques (FFP2 et FFP3) aux professionnels de santé. Au titre de ces mesures, les requérants estimaient nécessaire de procéder à diverses réquisitions (des usines de production, des réserves des particuliers et des employeurs) et d’interdire l’exportation de ces masques.

Afin de protéger la population générale, ils souhaitaient que le Conseil d’Etat enjoigne à l’Etat de :

– Fournir à tous les citoyens des masques chirurgicaux
– Autoriser l’administration chez les patients à risque de l’association de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine
– Autoriser tous les laboratoires à réaliser les tests de dépistage

Les requérants considéraient que la carence de l’Etat était constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale notamment au droit à la vie, au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au droit à la protection de la santé, ainsi qu’au droit de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé.

Sur l’approvisionnement en masque, le juge des référés a fait un état des lieux du stock de masques au début de l’épidémie de Covid-19.

Le Juge retient que les masques de type FFP2, qui sont « nécessaires pour assurer une protection satisfaisante », sont insuffisamment mis à disposition des médecins et des infirmiers. Il a également noté que « que la dotation de masques chirurgicaux est encore, quantitativement insuffisante, pour que ceux-ci soient aussi portés, à défaut, par les patients pris en charge. »

Ainsi, le Conseil d’Etat considère que les stocks de l’Etat au début de l’épidémie sont manifestement insuffisants pour assurer la protection tant de la population générale que des professionnels de santé.

Ce constat a le mérite de figurer dans cette décision et pourrait être utilisé ultérieurement lors d’une action en responsabilité de l’Etat au fond.

Néanmoins au stade du référé, cela n’est pas suffisant pour permettre au juge de mettre en œuvre ses pouvoirs d’injonction.

En effet, le juge a pris acte que les décrets des 3 et 13 mars 2020, repris par le décret du 23 mars 2020, réquisitionnent d’ores et déjà les stocks de masques FFP2 détenus par toute personne morale ainsi que les stocks de masques chirurgicaux des entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution.

Le juge des référés a relevé par ailleurs que le Gouvernement a passé des commandes correspondant à la livraison de plusieurs millions de masques par semaine, et qu’il a prévu l’augmentation de la production nationale, notamment de masques réutilisables.

En somme, le Conseil d’Etat considère que l’ensemble des mesures prises par l’Etat suffisent à assurer l’approvisionnement en masques et conclut qu’aucune carence n’est caractérisée à ce titre.

Concernant la distribution de masques à la population, le Conseil d’Etat a rejeté de manière lapidaire la requête, la considérant imprécise sur ce point, et estimant que les stocks réquisitionnés devaient bénéficier en priorité au personnel soignant.

Sur les tests de dépistage sur l’ensemble de la population, le Conseil d’Etat a retenu une nouvelle fois que les mesures nécessaires ont été prises par le Gouvernement, et a précisé qu’en l’état, la France n’était de tout façon pas en capacité de procéder à un dépistage massif, du fait d‘une « insuffisante disponibilité des matériels ».

 

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Le juge des référés a rejeté l’ensemble des demandes des requérants considérant que l’Etat avait pris l’ensemble des mesures nécessaires, par le biais des nombreux décrets, pour protéger les libertés fondamentales invoquées par les requérants.

Cette décision peut s’expliquer en droit par le fait que le Juge des référés apprécie la carence de l’Etat en fonction des mesures déjà prises, mais aussi des moyens qu’il a à sa disposition. (Il est certain qu’en l’absence de moyens disponibles, une injonction ne serait que vouée à l’échec.)

 

Même si cette décision ne marque pas un tournant dans l’appréciation de la gestion la crise par l’Etat, elle a le mérite de mettre en lumière l’absence de stock de matériel pourtant nécessaire à la gestion de la pandémie.

Il est certain que cette crise sanitaire pose de nombreuses questions juridiques.

Pour l’heure c’est la responsabilité de l’Etat qui est recherchée dans le cadre des premières requêtes déposées en urgence.

Si l’on se place du côté des patients, l’appréciation des responsabilités est tout autre.

Les règles du droit de la responsabilité médicale trouvent à s’appliquer et le code de la santé publique (loi du 4 mars 2002) prévoit un régime de responsabilité pour faute.

En effet, un malade doit avant tout pouvoir bénéficier d’une prise en charge conforme aux règles de l’art et aux données acquises de la science.

Dans le cadre des procédures en responsabilité médicale, Il conviendra donc de s’interroger sur les éventuels manquements dans le cadre de la prise en charge des personnes décédées du COVID 19.

Ainsi, les établissements de santé, qui déplorent l’absence de moyens mis à leur disposition, risquent pourtant de voir leur responsabilité engagée.

Il en est de même pour les patients des EHPAD qui déplorent au 21 avril 2020 pas moins de 7 752 décès et pour lesquelles la question de l’accès aux soins (notamment en réanimation et aux soins palliatifs) fait déjà débat.

Voir à ce titre l’article sur l’Ordonnance du CE du 15 avril 2020

Voir à ce titre l’article : L’accès au dossier médical des résidents en EHPAD

Les malades du coronavirus ne sont malheureusement pas les seuls à faire les frais de cette situation inédite.

En effet, il est à craindre que les retards de prise en charge et de diagnostique se multiplient dans ce contexte de saturation des appels au SAMU et de difficulté d’accès aux soins.

 

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Ces problématiques n’appellent pas de solutions juridiques toutes faites mais devront au contraire faire l’objet d’une étude au cas par cas.

Le cabinet de Maître FINET a une expertise reconnue de plus de 16 ans en matière de droit des victimes et responsabilité médicale.

N’hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements.