En droit médical, les patients peuvent prétendre à une indemnisation en cas de faute médicale ou d’accident médical. Le montant de l’indemnisation de la victime sera calculée en fonction du préjudice subi, néanmoins, le calcul de l’indemnisation se complexifie davantage lorsque la victime présente un « état antérieur ». Qu’est ce que la notion d’état antérieur ? Quel influence aura l’état de santé antérieur du patient sur cette indemnisation ? Maître Finet, avocat à Lyon vous éclaire sur ces sujets.
Droit médical : les fondements de l’indemnisation
Avant d’aborder la notion d’état antérieur, voici un rappel des deux situations qui peuvent permettre à la victime d’obtenir une indemnisation.
1) La faute médicale :
On parle de responsabilité médicale, lorsque le professionnel de santé a commis une faute, et que cette dernière cause un préjudice au patient.
D’après l’article L1142-1, I° du Code de la Santé publique, la victime d’une erreur médicale doit, pour engager la responsabilité du professionnel de santé, démontrer l’existence d’une faute, un préjudice et le lien causal entre la faute et le préjudice.
Ce n’est qu’à ces conditions que le médecin ou l’établissement de santé par l’intermédiaire de leur compagnie d’assurance, pourront répondre des conséquences dommageables subies par le patient.
2) L’aléa thérapeutique / accident médical
On parle d’aléa thérapeutique, ou encore d’accident médical lorsque survient, en dehors de toute faute d’un professionnel de santé, un risque accidentel inhérent à l’acte médical ne pouvant être maitrisé (Voir Civ. 1ère, 8 novembre 2000).
Pour être indemnisé, le patient doit, en vertu de l’article L1142-1, II° du Code de la Santé publique, prouver que l’aléa est rattachable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, et que cet acte a eu, pour ce dernier, non seulement des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci, mais aussi des conséquences d’une certaine gravité, dont le seuil est fixé par décret.
Ainsi, ne sont indemnisables que les dommages directement imputables aux professionnels de santé, ou aux actes médicaux présentant le caractère de gravité et d’anormalité.
Qu’en est-il du cas où le patient subit un dommage lié à son état antérieur ? Quelle influence aura l’état de santé antérieur du patient sur l’indemnisation ? Comment déterminer les préjudices indemnisables ?
La notion d’état antérieur
En matière de responsabilité médicale, le terme « état antérieur » n’est pas défini par le Code de la Santé publique. Il s’agit d’un trouble ou une pathologie qui se manifeste antérieurement à l’acte médical. Ce trouble peut être physique, physiopathologique, ou psychique, traité ou non traité, stable ou évolutif.
La prédisposition pathologiquese distingue de l’état antérieur
A l’inverse de l’état antérieur, la prédisposition pathologique est latente, asymptomatique c’est-à-dire que la victime n’a pas connaissance d’être porteuse d’une pathologie car elle ne s’est pas déclarée.
Dans ce cas, il estd’ores et déjà affirmé par les juridictions civiles et administratives que la victime a vocation à obtenir réparation de son entier préjudice (Voir en ce sens : CE, 7èmeet 2ème ss-sect. Réunies, 19 janv. 2015, n°377497, Civ. 2ème., 3 mai 2018, n°17-14985.)
Encore très récemment, le Conseil d’Etat, a rappelé que :
«Le droit de la victime à obtenir indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique, lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » (CE, 15 février 2019, n°415988,).
Dans le projet de réforme de la responsabilité civile il est prévu que le législateur entérine ce principe à l’article 1268.
Les conséquences de l’état antérieur sur l’indemnisation de la victime
En principe, l’indemnisation de la victime est calculée en fonction des préjudices subis par les faits mis en cause. Néanmoins, le calcul de l’indemnisation se complexifie davantage lorsque la victime présente un état antérieur. Le calcul ne sera pas le même selon que le dommage est lié à l’état antérieur, ou à l’acte de prévention, de diagnostic ou de soins pratiqué par le professionnel de santé.
Comment la prise en compte de l’état antérieur de la victime va se répercuter indemnisation de la victime ? Pour répondre à la question, voici des exemples concrets :
Exemple n°1 : Jugement TGI du 29 juin 2015
Mme X contracte une infection à la suite de la mise en place d’une prothèse de la hanche. Le rapport d’expertise, mentionnait la présence d’une infection nosocomiale, mais aussi l’existence d’un état antérieur (obésité et gonarthrose).
Alors que la CCI (Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux) avait opté pour une indemnisation partielle, le Tribunal de Grande Instance a considéré que : « dès lors que l’infection a provoqué la pathologie, le fait que celle-ci ait pu être aggravée par l’état antérieur n’est pas pertinent au regard du droit à indemnisation».
Dans le cas présent, l’indemnisation de la victime est ici intégrale, l’état antérieur n’étant pas pris en compte.
Exemple n°2 : Arrêt CAA Nantes 23 juillet 2015 n°14NT00768
M. Y décède après avoir contracté une infection dans les suites de la mise en place d’un stimulateur cardiaque. La CAA de Nantes considérant, en l’occurrence, que le décès n’est pas imputable à la contamination infectieuse mais à la dégradation de l’état antérieur (insuffisance cardiaque + respiratoire /obésité morbide/diabète insulinodépendant), M. Y ne pourra donc pas être indemnisé.
Exemple n°3 : Jugement TGI Nanterre du 17 septembre 2010 n°09/1143
Mme Z, grièvement accidentée, décède après avoir contracté une infection. En l’espèce, le TGI a décidé de ne l’indemniser que de manière partielle : Présentant un état antérieur, l’infection n’était pas la seule cause de son décès.
Pourquoi faire appel à un avocat ?
En droit médical, la notion d’état antérieur est au cœur du contentieux : Entre responsabilité et indemnisation du fait dommageable, l’avocat tient un rôle essentiel auprès des victimes dans la procédure d’indemnisation. Cette notion étant particulièrement technique, elle nécessite une maîtrise fine et complète de la responsabilité médicale.
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